A l’heure où le plan ministériel Ecophyto 1 (plan 2008-2018) qui prévoyait de diviser par deux l’usage des pesticides d’ici 2020 vient de montrer son inefficacité [1], Joël Labbé (EELV) et 51 autres sénateurs ont présenté le 4 février dernier devant le Sénat une proposition concrète de résolution relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l’environnement et de la santé et à un moratoire sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes [2]. Cette proposition qui vient d’être massivement rejetée tant par le Sénat que le Ministre de l’agriculture, avait été pourtant signée par 182 parlementaires de tout bord.
Face au cynisme de nos représentants sur ce sujet et au verrouillage des votes par les appareils politiques, Joël Labbé a symboliquement ôté sa cravate, pourtant obligatoire pour les hommes dans l’enceinte du Sénat. Un geste de protestation pour dénoncer « l’esprit actuel de cette maison » auquel il n’adhère plus.
Plusieurs études montrent sans aucune équivoque les effets dévastateurs de ces pesticides sur les insectes pollinisateurs et sur l’ensemble de la faune et de l’environnement pendant plusieurs mois voir des années après leur utilisation. Ils impacteraient également la santé humaine. Le texte de la proposition cite 3 agences officielles (française, canadienne et américaine) concernant les risques sur le système nerveux, l’action comme perturbateurs endocriniens et de potentiels effets cancérigènes.
Si des mesures de restriction ont été engagées par la Commission européenne depuis 2013 sur l’utilisation de 3 substances actives de cette famille, elles sont insuffisantes et incomplètes pour régler le problème posé par l’utilisation de ces pesticides.
Au cours de la discussion publique le 4 février dernier, Joël Labbé a rappelé, en présence de Stéphane Le Foll, Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt « En toile de fond, bien sûr, même s’il n’est pas écrit, se trouve le principe de responsabilité, qui est à la base de notre rôle politique, que l’on soit membre du Gouvernement, monsieur le ministre, ou parlementaire, mes chers collègues. Membres de la représentation nationale, ce n’est tout de même pas rien ! » [3].
A l’issue des discussions, la proposition de résolution a pourtant été massivement rejetée :
- Nombre de votants : 337
- Nombre de suffrages exprimés : 312
- Pour l’adoption : 64
- Contre : 248
Dans le débat précédant le vote, l’un des contre-arguments avancé par Stéphane Le Foll est « L’idée, pour l’an I de l’agro-écologie, est justement d’engager un processus large, global, afin de diffuser des pratiques agricoles et des modèles agronomiques permettant de se passer de produits phytosanitaires. Si le ministre de l’agriculture décide d’interdire ces produits sans proposer de solution alternative, le risque est grand de voir revenir des produits encore pires que ceux qui sont utilisés aujourd’hui. Je pense aux organochlorés ou aux organophosphorés, dont l’usage a été abandonné. » [4].
Nous déplorons cette décision qui s’appuie toujours et encore sur la politique du « moins pire », celle qui justement échoue depuis 2008.
Tandis que l’utilisation des pesticides n’a cessé d’augmenter malgré cette politique affichée, la surface du bio en France stagne à 4% de la surface agricole totale. Ecophyto 1 prévoyait qu’elle monte à 20%.
M. Le Foll, qu’en est-il de l’urgence d’inverser la tendance destructrice du modèle agricole dominant, et de l’urgence de mesures actives et concrètes vis à vis des insectes pollinisateurs, maillon crucial dans l’équilibre naturel et agricole ?
Messieurs les parlementaires, M. le ministre, il est plus que temps d’entamer une cure de désintoxication, véritable et active, pour des milliers d’agriculteurs dépendants qui s’adonnent à une agriculture délétère et mortifère.
Les Simples
En complément, un article synthétique de Bastamag sur le sujet.