Des liens sont maintenant établis en milieu professionnel entre l’utilisation de pesticides et certaines pathologies :
« il semble exister une association positive entre exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte : la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers hématopoïétiques (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples). » Expertise Inserm publiée en juin 2013(1).
« La littérature suggère une augmentation significative du risque de morts fœtales (fausses-couches) ainsi qu’une augmentation du risque de malformations congénitales lors d’une exposition professionnelle maternelle aux pesticides. … Enfin, une augmentation significative du risque de leucémie et de tumeurs cérébrales a été mise en évidence dans les méta- analyses récentes lors d’une exposition prénatale (voisinage ou exposition domestique) »(1)
Surtout il faut rappeler, comme l’a fait l’INSERM que « près d’un millier de molécules ont été mises sur le marché en France ; les risques liés à ces molécules ne peuvent être évalués faute de données toxicologiques et épidémiologiques suffisantes. »(2)
Si peu d’études ont porté sur l’ensemble de la population et sur les riverains, plusieurs d’entre elles montrent toutefois que des expositions environnementales sont susceptibles de provoquer des cancers et des maladies de Parkinson. Comme aux Antilles avec la chlordecone (3) ou chez des riverains exposés à des fongicides de la famille des carbamates et à du paraquat (4).Ou encore sur les enfants :
« Plusieurs études cas-témoins et de cohortes montrent une augmentation du risque de malformations congénitales chez les enfants des femmes vivant au voisinage d’une zone agricole ou liée aux usages domestiques de pesticides (malformations cardiaques, du tube neural, hypospadias).
Une diminution du poids de naissance, des atteintes neurodéveloppementales et une augmentation significative du risque de leucémie sont également rapportées »(1)
Or personne ne conteste l’imprégnation générale de la population : les pesticides ont largement contaminé l’environnement, aussi bien les eaux de surface que les eaux de pluie, aussi bien les sols que nos organismes (90% de la population française est contaminée par les organophosphorés) (5). Plus préoccupant, dans la cohorte PELAGIE en Bretagne, seuls 1,6% des échantillons d’urine de femmes enceintes ne contiennent pas de trace des pesticides recherchés(6).
Mais si l’on retrouve une imprégnation à « faibles doses » dans la population générale, cela n’est pas rassurant pour autant : en effet de nombreux pesticides sont des perturbateurs endocriniens, substances chimiques soupçonnées d’être l’une des causes de la recrudescence de certains troubles (infertilité, cancers hormonodépendants, obésité, pubertés précoces). Parce que leurs effets ne dépendent pas de la dose, mais de la période d’exposition, qu’ils ne sont pas linéaires, qu’ils s’ajoutent à ceux d’autres substances (effet cocktail) et qu’ils sont susceptibles d’être transgénérationnels, les perturbateurs endocriniens sont au centre d’une attention grandissante comme l’a reconnu Madame Delphine Batho, alors ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie lors du colloque international sur les perturbateurs endocriniens des 10 et 11 décembre 2012 (7).
Or, comme le souligne le rapport sénatorial sur les pesticides et la santé (8), le cadre réglementaire européen ne protège pas nos patients, agriculteurs et consommateurs puisque l’UE n’a toujours pas validé de méthode permettant de déterminer si un pesticide est un perturbateur endocrinien ou non.
L’Etat doit montrer qu’il a pris toute la mesure des risques sanitaires liés aux pesticides.
C’est pourquoi les médecins signataires de ce texte demandent que l’Etat assure : la reconnaissance de nouveaux tableaux de maladies professionnelles agricoles dont l’apparition est liée à l’exposition aux pesticides. la protection des populations : par la fin des dérogations à l’interdiction européenne des épandages aériens (9), par des mesures de réduction des risques vis à vis des populations vivant à proximité des cultures à forte utilisation de pesticides (signalisation sur les routes et chemins traversant les zones d’épandages, distance de sécurité avec les habitations) et vis-à-vis des agriculteurs (séparation nette entre les activités de conseil et de vente des produits). Par l’interdiction de l’usage des pesticides dans les zones non agricoles. Les organismes publics gérant des espaces verts, les collectivités locales doivent suivre l’exemple des nombreuses communes qui se sont engagées dans une démarche d’arrêt total de l’utilisation des pesticides. Par un étiquetage des produits destinés à l’alimentation permettant de visualiser les substances chimiques utilisées, dont les pesticides, pour leur fabrication. Par la disparition, à très brève échéance, des résidus de pesticides perturbateurs endocriniens dans les produits alimentaires. la garantie que les AMM (autorisation de mise sur le marché) protègent les agriculteurs, l’environnement et les consommateurs : en confiant à des laboratoires indépendants désignés par l’ANSES, la réalisation des tests réglementaires nécessaires à l’AMM des produits, ainsi que le suivi post-commercialisation. Ces tests seraient financés par les demandeurs de l’autorisation. en délivrant les AMM des produits phytosanitaires par décision conjointe des trois ministères : Santé, Environnement et Agriculture (10). la défense au niveau européen : de l’assimilation des perturbateurs endocriniens à des substances sans seuil pour que les perturbateurs endocriniens avérés (catégorie 1) et fortement suspectés (catégorie 2) soient couverts sous le régime réglementaire de la substitution obligatoire et les perturbateurs endocriniens faiblement suspectés (catégorie 3) fassent l’objet d’une vigilance ou de restrictions dans leurs usages (produits alimentaires par exemple). de leur caractérisation par des tests toxicologiques recherchant des effets à faibles doses et par effet cocktail (tels que préconisés par le rapport Kortenkamp (11) pour la commission européenne). la possibilité pour l’ensemble de la population de choisir une alimentation sans pesticides par l’augmentation des surfaces consacrées à l’agriculture biologique.
contacts : Dr Pierre-Michel PERINAUD
Dr Sandrine TAILLEFER