Au moment où le Bois Lejuc à Bure (55) est nettoyé de ses défenseurs par la gendarmerie nationale, plusieurs médias spécialisés ont relayé début février la publication d’un rapport très surprenant, « Plan de communication pour le secteur de la forêt et du bois » qui souhaite « prévenir les risques de protestation du public contre la coupe des arbres. »
Trouvant le rapport maladroit et qu’il se trompe d’enjeu, l’Observatoire des forêts commingeoises a écrit aux deux auteurs de ce rapport (voir le courriel ci-dessous, actuellement resté sans suite). Voir le rapport ci-contre du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Voici un extrait de l’excellent site : http://www.vieillesforets.com)
Voici un bref résumé du rapport, pour celles et ceux qui n’auraient pas le temps de le lire :
Le CGAAER a été chargé d’établir un cahier des charges pour une stratégie de communication du secteur de la forêt et du bois.
Elle vise à accompagner l’interprofession nationale de la filière-bois (France Forêt Bois) dans un plan de communication doté d’une enveloppe de 10 millions d’euros sur 3 ans, visant à augmenter la consommation de bois en France.
Mais celle-ci se heurte à l’opinion publique alors qu’« un nouveau contexte fondé sur la découverte d’une sensibilité des végétaux est en train de s’installer ».
Cela « risque de provoquer une contestation du public contre l’exploitation des forêts, suscitée, notamment, par des ONG hostiles ».
Ces mêmes ONG (page 13) sont pourtant « les ONG environnementalistes et les associations d’usagers de la forêt avec lesquelles il s’agirait de co-construire un programme d’information publique. »
A noter dans le rapport, page 10 :
– Gilles Clément, Peter Wohlleben et Pierre Lieutaghi seraient le terreau d’un contexte « préoccupant » (à savoir le public se soucierait un peu trop du bien-être végétal !)
– au chapitre « contenu de la communication », il est demandé d’éclairer le public sur des "réalités méconnues" comme :
"Les surfaces de forêts françaises ont doublé depuis un siècle, le stock de bois est trop important par rapport à la production biologique de la forêt, alors que la France est importatrice."
"La gestion des forêts françaises est durable, l’exploitation des forêts est une condition de leur santé et de leur fonction de pompe à carbone."
"La gestion forestière contribue à la lutte contre le changement climatique."
"La certification forestière privée PEFC confirme l’engagement des forestiers dans une gestion durable de qualité de la forêt"
Je me permets de réagir à la suite de vieillesforets.com :
Quand va-t-on cesser de prendre les Français pour des imbéciles ? Comment un organisme public peut-il décemment asséner de pareilles contre-vérités ?!
Les forêts ont doublé en surface ? (des "forêts" cultivées, monospécifiques, au niveau 0 de la biodiversité).
La fonction de forêt "pompe à carbone ? (des arbres obèses et malades parce qu’ils n’arrivent justement plus à gérer les excès de carbone que nous leur imposons dans l’atmosphère)
Santé des forêts conditionnée par la gestion forestière ? La santé sans condition est celle des forêts non-exploitées.
La gestion forestière durable ? (à coup d’abatteuses de 20 tonnes et tracteurs et de broyeurs dévoreurs de pétrole)
Gestion forestière et lutte contre le réchauffement climatique ? (les myriades de déchets des scieries industrielles, les norias de camions de transport vers des structures de transformation et de distribution toujours plus gigantesques et éloignées des forêts)
Forêt PEFC ? (les érables negundo du parking du supermarché d’Eymoutiers (87) sont certifiés "forêt durable" PEFC en 2011...)
Ce sont des témoignages implacables contre ces mensonges d’État.
Merci à Gilles Clément, Peter Wohlleben et Pierre Lieutaghi pour leur engagement et leur travail d’éducation populaire. Merci à Philippe pour www.vieillesforets.com !
Prenez le temps de lire la réponse qu’il a adressée aux auteurs du rapport, faites de même et faites circuler !
Thierry THEVENIN, le 22 février 2018.
PS : petit cours sur le PEFC proposé par Marc Lajara, de l’Association Nature sur un Plateau (publié dans la revue IPNS n°37, décembre 2011)
PEFC c’est quoi ? Comme l’indique le journaliste Fabrice Nicolino, « les industriels européens, sentant le vent tourner et les esprits changer, ont réfléchi à la manière de changer l’image de marque de leurs produits. Et inventé un label “durable“ systématiquement associé au bois qu’ils vendent. PEFC (Certification Forestière Pan-Européenne) est donc un label commercial imaginé en 1999 par les industriels du bois de six pays : l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Norvège, la Suède et la Finlande ». Son organisation fait la part belle à l’aspect industriel de la forêt, à la simplicité de mise en œuvre, à l’absence de contrôle initial et confère un avantage économique aux producteurs et transformateurs de bois. PEFC est ainsi devenu majoritaire sur le marché de la certification forestière.
Que reprocher à PEFC ? PEFC a choisi le statut de marque collective 18, au même titre qu’INTERFLORA PEFC a défini lui-même son propre référentiel, peu différent de la loi forestière actuelle, et dans lequel des avancées environnementales sont listées sans nécessité de mise en application. Par exemple, le nouveau schéma national 2012-2017 interdit les coupes rases de plus de 10 hectares d’un seul tenant. Une interdiction à mettre du côté des choses positives : on reconnaît donc qu’on peut récolter du bois avec d’autres méthodes, sans tout détruire. Cependant, PEFC indique qu’il faut simplement « tendre » vers cet objectif, et que, si ce n’est pas respecté lors de cette coupe rase, alors il faudra le faire dans le futur (donc dans 40 ans !). Voilà comment PEFC peut laisser croire qu’il fait de la gestion durable. Pour définir ce référentiel permissif, PEFC s’est doté de 3 collèges dont 2 sont liés à la production de bois, et un à la société civile (fonction environnementale et sociale de la forêt). Avec un système de vote volontairement pervers, il interdit toute avancée réelle vers une prise en compte de l’environnement. Voilà, le tour est joué !